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Une épine dans la sandale caprine

Venus réclamer un moratoire sur la baisse du prix du lait de chèvre en été, les éleveurs repartent sans et promettent d’autres actions.

Près de soixante-dix éleveurs caprins ont attendu, de pieds fermes, le conseil d’administration de Terra Lacta, une grande partie de la journée de mardi, à Surgères. Les producteurs de lait de chèvre, suivant le mouvement général de protestation des éleveurs laitiers, entendaient le faire plier sur sa proposition de réduction des prix pour l’été. Unitaire, tous syndicats confondus, sous la houlette de la Fresyca (une nouveauté dans la revendication) et des Jeunes Agriculteurs de la région, cette manifestation surgérienne n’a pas abouti. Alain Lebret, volontaire, n’est pas revenu sur la décision, suivi par tout son conseil, sur le parking de Terra Lacta à Surgères. Les échanges, parfois vifs, souvent vindicatifs, restaient empreints d’une grande inquiétude, tant de la part du président, face aux marchés ou aux négociations actuelles, que des éleveurs, engagés dans la désaisonnalisation de leur production et impactés par cette nouvelle mesure. Déçus du non-retour sur la décision de baisse des prix, les éleveurs promettaient de nouvelles actions la semaine prochaine, notamment auprès des pouvoirs publics, du médiateur et de Savencia (ex-Bongrain). Échec de cette politique de désaisonnalisation ? L’argument est au contraire balayé par Alain Lebret. Les manifestants, syndiqués ou non, repartaient bredouilles, mais déterminés à, quand même, changer la donne estivale sur les prix. Déjà les blocages des fromageries de Saint Saviol, la semaine dernière, marquent. Les éleveurs de chèvres emboitaient le pas aux éleveurs laitiers et allaitants qui multiplient les manifestations ces derniers jours. Une liste de 178 parlementaires* vient de signer une lettre ouverte au Président de la République dans laquelle ils réclament d’autres mesures.

Des « raisons impérieuses »

Exprimant d’abord leur réprobation de voir instaurer une décote durant les trois mois d’été, les manifestants réclamaient une argumentation plausible à ces baisses et remettaient en cause la stratégie de dessaisonalisation qui privilégie les mois d’hiver.

Le président de Terra Lacta, Alain Lebret, a donc annoncé aux 70 producteurs de lait de chèvre venus manifester devant le siège de l'entreprise qu'elle ne reviendra pas sur les baisses de prix annoncées, il y a quelques jours, pour le troisième trimestre 2015 (-15€/1000 l en juillet et août, et -10€/1000 l en septembre), contre une promesse de revalorisation le trimestre suivant. Ce fut alors la consternation. « Une grande déception » selon François Bonnet, président de la Fresyca et des syndicats caprins de Poitou-Charentes. Alain Lebret devait expliquer que la stratégie choisie depuis quatre ans de desaisonnalisation de la production n’était pas forcément remise en cause, mais qu’il valait mieux produire dans les mois où le marché était demandeur. Un process industriel qui pour l’instant a été adopté par 20 % des éleveurs, mais pas forcément compris par les autres qui y voient une remise en cause de leurs pratiques ou le recours aux hormones pour différer les gestations et lactations. Selon Alain Lebret, « la grille de paiement est connue depuis 3-4 ans et elle annonçait l’écart de 150 €. C’est la dernière année, en fin de cycle, que l’on conteste : nous voulons tenir cette grille, pour les éleveurs qui se sont engagés dans cette démarche. » Le président de Terra Lacta insiste : « nous ne pouvons pas utiliser constamment le report congelé, il faut du lait frais dans les mois d’hiver, au moment de la consommation des fromages. Cela nous a permis d’avoir un prix du lait, l’an dernier supérieur aux autres opérateurs. » Cette logique qu’il ne veut pas remettre en cause, même s’il dit bien comprendre les difficultés des éleveurs. « Remettre en cause la grille n’a aucun sens. C’est se tirer une balle dans le pied. » Alain Lebret estime que ces choix stratégiques « portent aujourd’hui leurs fruits. » Dans un courrier de juillet, il écrivait que les 20 € seront assurés « in fine. » Le prix des laits de chèvre aurait été augmenté de 17-18 % sur les dernières années. « Mais les producteurs caprins ont des revenus faibles et il existe de grands écarts entre eux, de 1 à 10. Le prix du lait de chèvre ne sera donc pas bon pour tous. C’est un vrai problème. » Quant aux 4 cts souhaités, il renvoie la balle dans le camp de la grande distribution. Pierre d’achoppement entre transformateurs, rien ne semble avancer de ce côté-là non plus, faisant réclamer par les manifestants plus de transparence dans le cheminement des marges : « mettez vos chiffres sur la table ! » lançait Guillaume Mandin, « on s’occupe du reste. » Ce fut là-aussi une fin de non-recevoir, par crainte d’un déréférencement.

« La filière caprine perd de l’argent depuis 5 ans, en dépit de tous nos efforts. Nous nous approchons de l’équilibre cette année, sans problème majeur. » Il n’entend pas tout réduire à une « marge de manœuvre de Terra Lacta », dans la mesure où la filiale est commune « il faut qu’elle arrive à l’équilibre. Et nous ne sommes pas à la traîne sur le prix du lait, au moins autant que les concurrents. » Depuis 2013, Savencia (anciennement Bongrain) détient 51 % des parts de la filiale de transformation fromagère de Terra Lacta (fromageries Lescure).

Dans les discussions, sur le parking de Terra Lacta, les engagements pris avec le Gouvernement ont été longuement commentés. Alain Lebret soulignant que la palette des fromages inclus dans les négociations avait besoin d’être élargie, car trop restrictive à ce jour. Les éleveurs caprins présents soulignaient qu’un quart d’entre eux avaient déjà disparu depuis trois ans et que la moitié des exploitations en place seraient en difficulté. Des arguments qui n’ont pas fait fléchir le conseil d’administration de Terra Lacta, entre le marteau et l’enclume. Guillaume mandin, président des JA Poitou Charentes, très revendicatif, incitait à « maintenir la pression » pour obtenir une révision de ces baisses de prix.

Bernard Aumailley

* Figurent parmi les signataires, les députés Dominique Bussereau, Didier Quentin et les sénateurs Corinne Imbert et Daniel Laurent.

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